Gemini d'Adrien Gallo : Trop Gainsbourg pas assez Gallo

Gemini d'Adrien Gallo : Trop Gainsbourg pas assez Gallo

L'ancien bébé rockeur a décidément bien grandi ! Après le troisième (et plus mature) album de son groupe BB Brune et de nombreuses collaborations (avec Vanessa Paradis notamment) Adrien Gallo tente l'expérience en solitaire, pour notre plus grand bonheur ? Chamau est dubitatif.

Adrien Gallo, leader des BB Brunes se lance en solo avec Gemini. Si c'est un processus quasi-logique dans le milieu du rock, l'émancipation du chanteur n'est cependant pas définitive (il penserait déjà au nouvel album de son groupe). Il n'empêche que le lancement en solo est toujours à haut risque : si parfois, elle donne lieu à un plein épanouissement (Robbie Wiliams Peter Gabriel et, n'en déplaise aux adeptes du Ono-Bashing, John Lennon) d'autre au contraire ne parviennent pas à opérer une évolution suffisamment forte et perdre leur public (sans en trouver un nouveau). Il faut dire que l'exercice n'est plus le même, il faut assumer seul les succès et les échecs, mais surtout incarné une musique, ce qui est plus complexe à faire seul si l'on manque de charisme. Adrien Gallo arrive-t-il a accomplir cette performance solitaire ? En vérité, le chanteur n'est pas si seul... Deux entités l'épaulent.

La première est explicite : c'est Ella, pas la chanteuse de jazz, mais la compagne (et peut-être fiancée) de Gallo. Si elle l'accompagne presque sur tous les titres (en chœur ou en duo) elle est surtout l'inspiratrice de Gemini, disque mono-thématique parlant bien évidemment d'amour, mais sous toutes ces facettes : de la découverte et des passions premières (sur Monokini) à ce que l'amour à de moins fière comme son Déserteur (qui fait son affaire et puis s'en va). Le disque est plutôt pop avec des accents électros, un virage qu'avait déjà été pris par BB Brune et qui se confirme davantage ici. Le tout est langoureux, éthéré et romantique. Tantôt éclairé, tantôt mélancolique, le chanteur explore donc un éventail de situation malgré un certain goût pour la rupture, plaçant son album non loin du LØVE de Julien Doré, mais contrairement au gagnant de la nouvelle star le chanteur ne parvient pas tout à fait à s'éloigner de sa seconde influence...

Cette influence, c'est celle de Serge Gainsbourg. Si ce mentor n'a rien de honteux (bien que ça n'ai rien d'original), il enrobe le jeune chanteur dans un carcan stylistique et esthétique à la fois prévisible et peu concluant. Dans le fond d'une part entre les jeux de mots faciles (mais ludique chez Gainsbourg) et de petites inspirations exotiques (Sur Méa Culpa avec ces sonorités limite néo-cubaine). Dans la forme d'autre part avec la sensualité, la voix quasi-blanche, de l'ordre du murmure de l'artiste : tout fait penser à l'univers de l'homme à la tête de choux, mais fatalement en moins bien. Même sa compagne aux aigus maladroit (pas désagréable cela dit) nous rappelle Jane Birkin. Gallo s'efface face à l'idole. La nonchalance de l'artiste combiné à des textes qui manquent de mordant affadit le disque. L'élégance pouvant très vite tournée à un disque lisse et sans relief, on se retrouve fatalement face à des chansons qui sont certes écoutables et plutôt bien produite mais qui n'accroche pas : Trop dandy pas assez voyou ! Seul Crocodile, à la mélodie très enveloppante sort du lot. C'est bien peu lorsque l'on connaît les capacités d'Adrien Gallo.

Certains parleront d'un album abouti, référencé et à la page, ils n'auront peut-être pas tort. Cependant, on ne peut nier que l'album certainement très habile ne transmet pas beaucoup d'émotion, et c'est pourtant bien là l'essentiel. On est face à un album ambitieux, mais qui a juste oublié d'être généreux. Il ne manque pas d'intention, mais d'émotion... trop de postures pas assez de chansons. Gémini laisse donc un sentiment mitigé : si l'on est certes séduit par les qualités factuelles du disque, on peste contre son manque d'originalité et surtout de personnalité. C'était le disque d'Adrien Gallo que l'on voulait entendre et pas un concentré des tendances musicales des quarante dernières années. Les nostalgiques se régaleront sans doute de ce simulacre Eighties les autres se tournerons vers des albums plus innovants... Des albums comme Gainsbourg savaient justement en faire en son temps...

4/10

Chamau

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