LØVE de Julien Doré : Doré chante Doré.

LØVE de Julien Doré :  Doré chante Doré. 
Partir à la conquête du chanteur le plus chevelu de l'Hexagone n'est pas chose aisée mais notre contributeur Chamau relève le défi sans mettre de gants...

Chamau

On est toujours un peu embarrassé lorsque l'on a un album de Julien Doré entre les mains. En 2007 le chanteur devient un véritable phénomène grâce à un célèbre télé-crochet dont il sortira gagnant. Chaque semaine il enthousiasmait son public en détournant les chansons du répertoire (d'Alizée à Madonna en passant par Claude François) avec une grâce et un univers singulier. Il signera alors chez Sony et publiera deux albums : Ersatz en 2008 et Bichon en 2011 avec lesquelles l'on se rendra compte que ce qui faisait sa force dans un concours formaté se révèle être aussi ce qui le bridait dans sa carrière. Car Julien Doré a de la culture et sait se mettre en scène, se métamorphoser ...ses chansons, débordant d'hommage, de références, et de clins d’œil que cela soi à Bashung (sur Les figures imposés) ou à Gainsbourg ( sur Golf Bonjovi) sur ses précédents opus le prouvent. Malheureusement submergé par cette héritage qui font de ses chansons davantage des exercices de style que des morceaux véritablement personnels, il n'est jamais parvenu pleinement à nous toucher ni même à vraiment définir qui il était artistiquement parlant.

Après l’accueil critique et commercial mitigé de son dernier album, Julien Doré était donc attendu au tournant. Le voici donc de retour avec LØVE (signifiant « lion » en danois), un album mono-thématique sur la rupture amoureuse dont tout les textes sont signés par l'artiste (hormis En attendant les apaches écrite et composé par Arman Mélies, qui démontre une nouvelle fois, avec une chanson à la fois pudique et à fleur de peau, qu'il est l'un des auteurs-compositeurs les plus prometteurs de cette décennie). Au niveau des autres collaborations on note la participation de Darko et Ohmo sur la compositions de certains titres ainsi que deux duos (Micky Green sur Chow Wasabi et le duo Brigitte sur Habemus Papaye).

« Te sourire dehors à Angoulême/ Un Chasse-Spleen Melchior, Paris-Seychelles/ Découvrir ton corps depuis la Seine/ Du sombre décor (Lucrèce est reine)/ On s'était dit des choses/ Que l'on ne tiendra pas/ Le temps que l'eau se pose/ Sur nos ronces lilas... » Paris-Seychelles - LØVE – Julien Doré

Si l'album débute sur l'éthéré Viborg, l'on enchaîne vite sur le hit radiophonique Paris-Seychelle ballade-pop implacable tendre et sensuel : un morceau très efficace nous faisant presque oublier l’errance de la moitié de l'album. En effet, Julien Doré n'a pas totalement corrigé ses erreurs passés (et son chant, toujours aussi maniéré) on retrouve cette même esthétique sur papier-glacé avec les sonorités ringards-chics dégueulasses qui a fait sa marque de fabrique (et qui est, il faut le dire, la véritable plaie de la chanson française actuelle). Trop sucré, et suave parfois jusqu'à l’écœurement, on éprouve souvent de la difficulté à écouter les chansons tant l'enrobage musical est riche et un peu trop démonstratif (sur London nous aime notamment). Mais que dire surtout, dans un album sur la douleur sentimentale d'un titre comme « Platini », chanson qui à le mérite d’être à la fois hors contexte et absolument risible ?

« Michel/ Ma belle/ Mon oiseau de nuit (Platini)/ Ton pied/ Porcelaine / Est gravé à vie (Platini)/ Sur le banc de touche/ Juste après la douche/ J’ai revu Michel Platini/ On a parlé France/ et de leur défense/ De Toulalan et Ribéry/ » Platini - LØVE – Julien Doré

Oui mais il y a un « mais »... et c'est là que l'album nous pose un vrai cas de conscience. Car il faut le reconnaître, l'artiste nous démontre son talent d'écriture comme jamais, malgré des textes un peu vaporeux qui auraient gagné à être plus sobre, Julien Doré semble désormais capable de s'assumer en tant qu'auteur en s'éloignant enfin des ses pères spirituels. Hormis un duo très rafraîchissant avec Micky Green (compensant la fausse promesse du duo avec Brigitte, quasiment absente) on regrettera surtout qu'il faille attendre la fin de l'album pour faire face à de (très) bon titre. Si On attendra l'hivers par son texte torturé et ciselé est clairement la grande réussite du disque, on se révèle surtout surpris par le très douloureux et suicidaire Corbeau Blanc ou Julien Doré se dévoile enfin totalement avec finesse comme si l'artiste gagnait en retenue au fil des chansons.

« Ce soir je vous quitte/ Je quitte la rive et les gens/ Depuis mon île politique/ Je prends l'exil des corbeaux blancs/ Alors ce soir je vous quitte/ Pour la force des puants/ Je suis sale et plein de tiques/ Je prends l'exil des corbeaux blancs/ Je suis la courbe tangible/ Je suis l'herbe puis le vent/ Tant mieux si ce soir je vous quitte/ Je prends l'exil des corbeaux blancs/ Tais-toi ce soir je vous quitte/ » Corbeau Blanc - LØVE – Julien Doré 

S'il n'est pas une totale réussite LØVE est clairement un album a marqué d'une pierre rouge dans la discographie du jeune chanteur. Plus touchant et moins spectaculaire que ce à quoi il nous avait habitué, Julien Doré semble enfin près à se livrer d'avantage, avec des chansons plus introspectives et un univers beaucoup plus sombre. Si l'album peut parfois semblé indigeste car émoussé par une production un peu trop léché (quand on aurai aimé plus de brutalité) il s’apprécie sur la durée, chaque chansons dévoilant à force d'écoute peu a peu ses secrets. Un album inégal mais très encourageant pour la suite, a Julien Doré de poursuivre dans cette voie ou pas...

Chamau


6/10



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