mercredi 2 juillet 2014

Combats Ordinaires de Yannick Noah : Guerres vaines...

 Combats Ordinaires de Yannick Noah : Guerres vaines...
La politique et la musique ont beau ne pas toujours faire bon ménage, Yannick Noah revient cette année avec un dixième album studio très militant, va-t-il conjurer le sort ? Chamau vous donne son avis...









Chamu
Voilà déjà plus de vingt ans qu'il poursuit son curieux parcours : tennisman victorieux de Roland-Garros reconverti dans la chanson, Yannick Noah n'a eu de cesse d'enchaîner les succès devenant l'un des artistes français les plus lucratifs de ces dernières années. Deux ans après Hommage, son album de reprise des chansons de Bob Marley, il nous revient avec Combats Ordinaires, son dixième opus dont le premier extrait Ma colère (qui attaquait directement le Front National) avait fait des remous.


« Ma colère n'est pas amnésique,/ ma colère n'est pas naïve,/ ma colère aime la République,/ mais en combat toutes les dérives./ Ma colère croit en la justice,/ ma colère n'est que citoyenne,/ ma colère n'est pas un vice/ car elle combat toutes les haines./ Ma colère aime la tolérance,/ ma colère ne triche jamais,/ ma colère fait la différence, / entre une cause et ses effets./ Ma colère ! Ma colère n'est pas un front,/ elle n'est pas nationale./ Ma colère à peur aussi,/ c'est la peur son ennemie./ Ma colère n'est pas un front,/ elle n'est pas nationale./ Car ma colère à tout l'honneur/ de combattre la leur ! » Ma colère – Combats ordinaires - Yannick Noah

Dès la première écoute (pour ne pas dire « dès les premiers titres ») un constat s'impose, la tonalité de cet album est très politique  : l'intolérance (le même sang que toi), la fermeture d'esprit (Sourd, aveugle et muet), le racisme... Autant de thèmes qui font sens à une époque où cela vient à se généraliser. Malheureusement, Yannick Noah, bien qu'il semble sincère dans cette démarche, n'évite pas les pièges de l'exercice. Caricaturales et souvent niaises, ses chansons n'ont ni la radicalité des Berruriers Noirs, ni la subtilité d'une chanson comme Le vol Noir de Biolay sortie au même moment que son premier single. Démagogue au possible et jouant sur de nombreux poncifs (comme sur Ma Colère où il se révèle particulièrement manichéen) Yannick Noah ne rend pas service aux causes qu'il défend en les enrobant sous une bonne dose de facilité... Pas assez nerveuses ou pas assez fines, les chansons restent tout de même dans un certain optimisme (comme avec Les murs, pas très orignale mais stimulante), qui, parfois, convainquent, mais qui plus souvent plombent. Certains titres sont d'ailleurs à la limite du risible tant les formules sont éculées (« Je crois, j'avance, je plais ou je dérange : mais j'ai le même sang que toi »)... Difficile de défendre tant de consensualisme même si, bien évidemment, tout n'est pas inexacte



« Ya un mur devant nous/ Qui empêche de passer/ Ya plein d'envie derrière/ Mais comment avancer/ Les sourires les soleils/ Sont tout prés on sait bien/ Mais ya un mur devant/ Qui nous empêche de voir plus loin/ Ce mur est fabriqué de façon colérique/ Et de refrains plombants/ De discours médiatiques/ Un mur de pessimisme/ Et de morosité/ Moi c'est ce qu'il y a derrière/ Que j'ai envie de visiter/ On va franchir les murs/ On est bien plus grand qu'eux/ On va gagner c'est sur/ Je veux tu veux on peut/ On abattra ces murs/ Qui nous gâchent et nous freinent/ On va y aller j't'assure/ La vie en vaut la peine/ » Les murs – Combats Ordinaires – Yannick Noah

Que reste-t-il au final ? Des chansons que l'on sent taillées pour la scène (on imagine aisément le public chanter les refrains) , une tonalité plus rock qu'à l'accoutumé (la voix du chanteur se rapproche d'ailleurs de plus en plus de celles de Jean-Louis Aubert) mais aussi quelques chansons plus intimes, les plus réussies du disque : Où es-tu, bel hommage a sa mère décédé, ou encore Mon dernier amour dont le rythme bossanova n'est pas sans rappeler les derniers disques de Salvador... Rien de suffisant, pourtant pour faire oublier le très gros défaut de ces Combats Ordinaires dont l'ordinaire frôle malheureusement la banalité...


« Je ne sais pas quand viendra mon dernier sourire/ Mon dernier baiser, mon dernier café/ Le dernier morceau de soleil sur ma peau/ Mon dernier murmure, ma dernière voiture/ Je serai peut-être avec des amis/ Sur scène comme Molière. tout seul dans mon lit/ Au bord de la mer, au bord de l'oubli/ A Bordeaux, à Madère, à Alger, à Paris/ Ce qu'il y a, à la fin, je suis comme toi je n'en sais rien/ Je ne sais qu'une chose, je penserai encore à toi/ Quand la vie m'enverra sur les roses avec une rose entre les doigts/ Jusqu'à mon dernier silence, tu sais celui qui dure toujours/ Tu seras mon espérance, tu es mon dernier amour/ » Mon dernier amour – Combats Ordinaires – Yannick Noah

Si ce nouvel album d'Yannick Noah n'est pas franchement une réussite, il permet de mieux visualiser la problématique de la chanson engagée : cet exercice n'est pas à prendre à la légère et ce n'est pas parce qu'on a des convictions que l'on doit manquer d'expression. Au même titre que n'importe quelle chanson, elle doit se construire avec profondeur, exactitude, tout en conservant du sentiment. C'est d'autant plus important que la lutte contre le racisme (et contre l'intolérance en général) a pour but d'endiguer les caricatures et les généralités faciles, et c'est pourtant ces mêmes armes qu'utilise le chanteur et cela ne lui réussit pas ! On aurait aimé de la sagesse ou du fiel, du recul ou de la hargne, le chanteur ne choisit ni l'un ni l'autre et conduit le débat dans un mur... Qu'il voulait pourtant abattre !


4/10

Chamau

Nous ne sommes ni des donneurs de leçon, ni le glaive infaillible du bon goût, il ne s'agit là que d'un avis subjectif. Nous avons tous une vision de la musique différente, avec des gouts et des priorités différentes. N'hésitez pas à laisser des commentaires afin d'enrichir le débat, toute critique est bonne à prendre ! 

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