Kendji de Kendji Girac : Comme un manouche sans guitare...

Kendji de Kendji Girac : Comme un manouche sans guitare...

En a peine trois semaines le très sympathique Kendji Girac, la nouvelle voix de TF1 aura fédéré autour de lui plus de 100 000 acheteurs, fortifiants une fan-base toujours plus solide. Mais que se cache-t-il derrière ce phénomène ? Chronique...

On l'attendait avec crainte le premier album du gagnant de The Voice et pour cause : les précédents vainqueurs du célèbre concours de TF1 n'avaient pas particulièrement brillé en terme de vente. Si Kendji Girac a largement été plébiscité lors de la finale qui l'aura consacré il n'aura pourtant pas généré un large consensus, certains estimant qu'il n'avait pas la voix pour mériter la victoire. Pour ma part, je suis plutôt de ceux qui pensent l'inverse. Le chanteur gypsy avait un univers (un peu flamenco) et se révélait être un excellent guitariste (ses débuts sur Youtube avec la reprise de Maitre Gims sont là pour en témoigner), un garçon complet, plutôt charismatique et avec un plus grand potentiel que ses prédécesseurs : ils avaient certes de la voix et du coffre, mais en France, on ne sait pas mettre en valeur de tels organes, Kendji avait peut-être des capacités vocales plus modeste, mais davantage en adéquation avec ce qui se vend. On se doutait bien qu'AZ (sa maison de disques) sentant le bon filon allai lui produire un album très cadrés et dans un délais très court. Il faut dire que Yoann Freget et Stephan Rizon avaient bénéficier d'une certaine liberté (que ça soi en terme de temps ou de musique) et avaient floppés : il n'était plus question de recommencer. Arrive donc Kendji un album très produit et marqueté. Mais le jeune chanteur parvient-il a lui insufflé un peu de son tempérament ? Voyons cela tout de suite.

« C’est une façon de voir la vie/Un peu plus grande qu’un pays/ Un destin, un regard/ C’est de la musique et des cris/ Un pour tous et tous réunis/ Un chemin, une histoire/ Me vida, mis amor/ Me fuerza, me amor Color gitano/ Ma raison, mes valeurs/ Ma maison, ma couleur/ Color gitano... » Color Gitano – Kendji – Kendji Girac

Pour son premier disque Kendji Girac ne se pose qu'en simple interprète ne participant qu'à la création d'un titre (Je m'abandonne). Pour le reste des chansons, il y a du monde ! Si certains artistes aiment à n'avoir qu'un ou deux auteurs par album celui du gagnant de The Voice en compte plus de cinq par chansons. Parmis eux quelques faiseurs de tube tel que Kerredine Soltani qui avait signé les deux plus gros cartons de Zaz ou encore François Welgryn qui a travaillé avec Tal. Autant dire qu'AZ voulait des chansons taillées pour le succès, oubliant l'écueil de ce genre de pratique : de créer des mélodies très génériques et des textes soi impersonnel ou fouillis. Car il faut l'admettre il n'y a rien de bien flamenco dans tout ça. Si Kendji conserve son empreinte vocale avec ce vibrato très proche de ce qu'on peut entendre dans le Raï, on n'entend plus vraiment la musique qu'il semblait affectionné. On est plutôt dans une ambiance à mi-chemin entre la musique gypsy (avec ses guitares et ses textes passionnés) et la dance bien grasse : un curieux mariage très contemporain, mais parfois un peu difficile (Andalouse avec une sorte de dubstep assez désagréable). Enfin, on retrouve fatalement les tares de la musique surproduite avec le vocodeur et une surdose d'électronique qui conduit à déshumaniser le disque. Mais surtout ou est la fulgurance de la guitare ? Présente, évidemment sur tout l'album, elle n'est pourtant pas bien mise en valeur. On aurait aimé quelques morceaux plus acoustiques, plus dépouillés qui viennent un peu casser le trop-plein sonore de cet opus mais peine perdue.

« Tu viens le soir, danser sur des airs de guitares/ Et puis tu bouges, tes cheveux noirs tes lèvres rouges/ Tu te balances, le reste n'a pas d'importance/ Comme un soleil tu me brûles et me réveille/ Tu as dans les yeux, le sud et le feu/ Je t'ai dans la peau (Baïla Baïla Oh!)/ Toi toi ma belle andalouse, aussi belle que jalouse/ Quand tu danses le temps s'arrête, je perds le nord je perds la tête/ Toi ma belle espagnole, quand tu bouges tes épaules/ Je vois plus le monde autour, c'est peut-être ça l'amour » Andalouse – Kendi – Kendji Girac

Concernant les thématiques abordées ce n'est pas non plus convaincant. Non pas que les textes soi mauvais (ils tiennent plutôt la route) mais ils manquent particulièrement d'originalité et de personnalités. Surfant entre le romantisme et sur les origines du garçon les chansons tournent un peu en rond même si certaines sont plus réussies comme Cool (pour moi, le meilleur titre de l'album) ou Color Gitano qui bien qu'un peu simpliste à le mérite d'être plus personnels et positive. Le problème, c'est que les morceaux se ressemblent trop du point de vu des mélodies et des textes, des morceaux qui ressemblent à tout, tout ce qui marche, mais pas nécessairement à Kendji Girac atomisé de tout part. Paradoxalement c'est dans la reprise de Bella (qui reste pour ma part supérieure à la chanson originale) et non pas dans ses propres titres que Kendji parvient a imprimer sa patte ( bien qu'on aurait préféré un guitare-voix, une fois de plus). On est face à un objet efficace, particulièrement bien produit, mais sans magie.

« «J'ai passé des heures à chanter tard dans la nuit/Pour m'amuser un peu ou pour tuer l'ennui/ Pour le fun, pour draguer les copines/ Pas pour passer dans les magazines/ Je bossais pas pour pouvoir toucher le coeur des gens / Mais le destin en a décidé autrement/ Je suis là devant vous sur la scène/ A vous donner mon amour et ma peine / Y a eu les plateaux, y a eu les photos/ Y a eu les télés, et les bilans chaînés/ Quand ça s'arrêtera, je ne sais pas/ J'ai même chanté la sérénade à Eva Longoria/ Tout a changé, je suis passé/ De l'ombre à la lumière/ Mais je la joue cool, cool, cool/ C'est vrai que j'en ai tant rêvé/ Et je roule, roule, roule/ Même sans savoir où je vais/ Je la joue cool, cool, cool/ J'ai pas l'intention de changer/ Et je roule, roule, roule/ Avec ceux qui m'aiment, qui m'aiment. » Cool - Kendji - Kendji Girac

Le premier disque de Kendji Girac est donc raté... Et c'est presque logique, j'ai envie de dire. Comment voulez-vous qu'a dix-huit le chanteur puisse livrer un album de qualité avec le peu de temps qu'on lui a laissé et surtout l'immense machine commerciale derrière ? Il y avait trop de pressions autour de lui, trop d'enjeu, mais des enjeux qui ne sont pas des enjeux musicaux, mais des enjeux économiques et c'est dommage. Une fois de plus un jeune artiste plein de rêve se fracasse sur l'autel de la machine économique. Cependant au regard du parcours d'une Élodie Frégé, on peut espérer que l'incroyable succès de cette première tentative aura du bon, Kendji aura grâce à cela peut-être plus de marges de manœuvre pour réaliser un prochain album qui lui sera plus personnel... et avec plus de guitare ! C'est en tout cas tout le mal qu'on lui souhaite.

Chamau

3/10

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