lundi 7 avril 2014

Baron Samedi de Bernard Lavilliers : Intime Haïti.

Baron Samedi de Bernard Lavilliers : Intime Haïti.
Après avoir planché sur une salve d'albums à l’intérêt plus ou moins mitigé, notre contributeur Chamau souhaitait revenir au fondamentaux avec le disque qui aura été sans aucun doute son coup de cœur de noël.







Chamau
Pour certains, la vieillesse est un naufrage, ceux-là perdent leur souffle, leur inspiration : ils ne parviennent plus à faire résonner la musique en eux et s'étiolent d'une manière triste et grotesque. Mais il y a des artistes a qui l'age ouvre un horizon inexploré, ou au delà du petit narcissisme de chacun ou de la question d'un succès qui va et qui vient, ils atteignent une sagesse, une profondeur et une solarité. C'est dans ces instants rares que sont nés des albums tels que « Les marquises » de Brel ou encore plus récemment le remarquable Brigitte Fontaine Prohibition (dont je vous recommande vivement l'écoute). On le sait depuis quelques albums déjà Bernard Lavilliers est de ceux-là.

Il nous revient donc dans un vingtième album au titre singulier : Baron Samedi (divinité vaudoue gardienne du cimetière) inspiré par son dernier voyage en Haïti quelque temps après le tremblement de terre qui avait ravagé la région. Co-arrangé en grande partie par Romain Humeau (chanteur du groupe Eiffel), les textes sont quant à eux tous écrit par Bernard Lavilliers lui-même hormis Scorpion (adapté du poème La plus drôle des créatures de Nazim Hikmet).

« Comme le scorpion mon frère,/tu es comme le scorpion, dans une nuit d'épouvante./Comme le moineau mon frère... /Tu es comme le moineau, dans tes menues inquiétudes./Comme l'amour mon frère,/ Tu es comme l'amour... Enfermé tranquille/ Tu es terrible mon frère/Comme la bouche d'un volcan éteint/ Mais tu n'es pas un hélas/ Tu n'es pas cinq tu es des millions/ Tu es terrible mon frère/ Comme la bouche d'un volcan éteint ...Mais tu n'es pas un hélas, tu n'es pas cinq tu es des millions » Scorpion – Baron Samedi – Bernard Lavilliers

Si cette chanson d'ouverture très engagée et d'une efficacité redoutable constitue l'un des moments forts du disque, elle n'est pas pleinement représentative d'un album qui se révèle moins politique que le précédent. En effet s'articulant autour du prisme de la catastrophe haïtienne Baron samedi pose davantage de question qu'ils ne donnent de réponse s'interrogeant tour à tour sur la place de l'artiste dans Tète chargé face « à la misère noire », ou sur le combat perpétuel qu'est la vie dans le bouleversant Vivre encore, chanson ou Lavilliers oscille entre hargne et résignation. Moins colérique qu'il ne le fut par le passé le chanteur n'a pourtant rien perdu de sa verve sur la société et sur notre époque, mais la regarde aujourd'hui différemment, avec davantage de distance et donc de pertinence. Ainsi, aucune chanson ne sombre jamais dans la critique facile : la sagesse a ses vertus.

« Que peut l'art contre la misère noire ?/ La musique contre la solitude ?/ Les artistes contre les habitudes ? Que peut l'art, que peut l'art ? » Tète chargé – Baron Samedi – Bernard Lavilliers

Porté sur le monde et sur ses travers que cela soi sur la chanson éponyme Baron Samedi offrant une fresque incroyable de Port-au prince sous les décombres ou avec Jack (l'éventreur) dressant le portrait cynique d'un bourgeois londonien tueur de banquier Lavilliers sait aussi se montrer plus intime, se dévoilant comme jamais notamment sur Sans fleur ni couronne en hommage à sa mère récemment disparu, titre porté par la voix grave et chaude d'un chanteur qui n'a rien perdu de sa superbe malgré quarante ans de carrière.

« Voila sans fleur ni couronne/ Un refrain que l'on fredonne/ Quand on connaît pas la donne/ Peut-être tu l'entendras.../ Tu dois te sentir légère/ Tournant au vent d'hiver/ A jamais libérée... » Sans Fleurs ni couronnes – Baron Samedi – Bernard Lavilliers

Difficile de parler plus longuement d'un album aussi accompli dans sa démarche. Que dire ? Si ce n'est que Baron Samedi parvient à résumer ce qui a fait la singulière carrière de Bernard Lavilliers et de toutes ses contradictions, à la fois batailleur et apaisé, profondément sincère mais avec élégance, l'auteur-compositeur s'est surtout débarrassé de tout ce qui a parfois amusé ses détracteurs, les textes sont plus épurés, plus près de l'os, poétique sans être dans l'outrance. Un album d'une richesse remarquable tout en étant absolument cohérent. Où chacune des dix chansons est une touche de couleur, définissant l'artiste. Généreux et bouleversant dans ce qui est probablement une de ses plus belles réussites discographiques Bernard Lavilliers nous gratifie en plus d'un de ses plus vieux rêves en adaptant sur un second disque La prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France de Blaise Cendras, exercice de style incroyable d'une trentaine de minutes magnifiquement orchestré : la classe.


Chamau

8/10

Nous ne sommes ni des donneurs de leçon, ni le glaive infaillible du bon goût, il ne s'agit là que d'un avis subjectif. Nous avons tous une vision de la musique différente, avec des gouts et des priorités différentes. N'hésitez pas à laisser des commentaires afin d'enrichir le débat, toute critique est bonne à prendre !


10 commentaires:

  1. j'ai connu Bernard àune époque ou il zoné comme on dit à bordeaux
    ou il jouait à st pier-bordeaux dans une cave chez raymond nabosse

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  2. C'est un bien bel album effectivement, comme tous ses derniers je trouve...bel article en tout cas...!

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    1. Moi fan de la période 1976 ,premier concert et tjrs fidéle à Lavillado comme l'appellait le regrétté Ray Baretto .Une bordelaise qui vous salut

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    2. Moi je l'ai connu grâce à l'album "Pouvoir" (pas le plus connu) qui m'a tout de suite scotché avec des chansons comme 'Urubus" ou "La peur" ... c'est pas loin de l’époque chère a votre cœur il me semble ^^

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  3. J'étais au concert hier soir à Pau de Monsieur Lavilliers .Vraiment ,un monument de la musique française ;il en reste si peu; des textes profonds,des musiciens extraordinaires et pourtant je n'ai que 35 ans et n'avais en tête que ses tubes entendus dans les années 80.Soirée inoubliable tout simplement!!!!

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    1. Vous l'avez vu en vrai ? Vous avez de la chance :'( Ce qui est incroyable c'est de voir a quel point sa voix est toujours en pleine forme malgré toute ses années, c'est vraiment l'un des derniers grand géant de la chanson française. Merci pour le commentaire en tout cas ! :)

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  4. christine toulon15 juin 2014 à 13:20

    Magnifique pur envoutant toujours au top on en veux encore encore

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