Instinct d'Amel Bent : L'album que j'aurai voulu aimer !

Instinct d'Amel Bent : L'album que j'aurai voulu aimer !
Il n'est pas si simple de faire la critique d'un mauvais album surtout quand on aime beaucoup l'artiste en question. Chamau en a fait l'amère expérience.

Chamau

Avant tout mauvais procès attention, il me paraît important de préciser une chose : Je ne déteste pas Amel Bent et lui ai même toujours trouvé quelque chose de singulier, sans doute grâce à une voix cassée et délicieusement voilée, sans doute la plus belle du R'N'B français... Cela étant dit penchons-nous sur ce cinquième album studio faisant suite à Délit Mineur qui n'avait pas rencontré le succès escompté. Ce disque se veut, selon l'aveu d'Amel Bent, plus sincère et surtout davantage en adéquation avec les goûts et les envies de la chanteuse qui ne se serait pas pleinement révélée sur ses autres albums. Pourquoi pas ? On s'attend donc quelque chose de différent, une émancipation.

« Qui suis-je ?/ solide et sauvage/ un cœur solitaire,/ guidé par mon instinct/ Qui suis-je ?/ fragilement sage/ je défend la meute/a laquelle j'appartiens/ Le chaud, le froid, le noir, le blanc/ à la fois/ Je suis la glace et le feux/ le mal, le mal, le bien, le plus, le moins/ sont de moi/ tu as compris je suis le.../ Gemini ! » Gémini – Instinct – Amel Bent

Cependant, le changement, comme en politique, se révèle être plus un positionnement marketing qu'une réalité. Ainsi on retrouve Kore à la production (qui avait déjà travaillé sur trois autres albums d'Amel Bent) ainsi que toute une salve de paroliers divers et variés : difficile de trouver de l'intime dans tout ça ! Pas de rupture même à l'écoute ! On se retrouve d'ailleurs avec des morceaux dont l'air ou la thématique fait furieusement penser à d'autres grands tubes de la chanteuse : ainsi Ma chance n'est qu'un resucée (moins bien écrit) de Ma philosophie quand En silence avec sa production tire-larmes nous rappelle Tu n'es plus là (sur l'album A 20 ans). On ne sort donc pas des sentiers battus malgré des morceaux plus up-tempo qu'à l'accoutumé notamment avec Regarde-nous, un très mauvais choix de single (Amel Bent réitérant ainsi la même erreur que pour son dernier opus).

« J'ai pas la main pleine/Pas le cœur gros /Je crois que je t’aime / Oh oh oh oh oh…/J’mets du sourire partout dans les mots / Je crois que je t’aime / Oh oh oh oh oh…/ Non je n’me reconnais pas/ Si je m’étais trompée sur moi/ L’amour existe encore/ Regarde toi regarde moi / Regarde-nous/ Ouuuhhh…/J’ai changé de décore/ Regarde toi regarde-moi regarde nous/ Ouuuhhh... /Si tu aimes , Si tu aimes, Vas-y clape (x4) » Regarde-nous – Instinct – Amel Bent

Malgré tout, on aurait pu penser que ce disque sans prise de risque allait dérouler une liste de tubes potentiels et addictifs... mais ce n'est pas non plus cas. Des mélodies peu inspirées et surtout des textes proches du néant, peu construit et absolument vide (dont le single cité plus haut est le parfait représentant). Les chansons ne racontent rien, ou rien de bien précis... Peu de refrain, des phrases voire des mots répétés en boucle sur des dizaines de secondes : pas accrocheur pour deux sous. Là ou jadis des titres comme Ma philosophie, pourtant pas un trésor d'originalité, s’apprenait par cœur et rentrait dans la tète la plupart des morceaux d'Instinct passent et s'oublient aussitôt. Même les chansons censées dévoiler la chanteuse comme Gemini (qui pourrai faire penser a Négatif de Benjamin Biolay... ou pas) se révèle peu étoffées et assez impersonnelles. On slalome entre des morceaux opportunistes interchangeables et des chansons semblant sortir tout droit des années 2000 (La lionne qui saigne, par exemple, agonise dans ses arrangements ringards). Avec en plus, pour nous achever, Quand la musique est bonne, qu'elle et Soprano avait déjà massacrée dans Generation Goldman (merci c'est trop aimable). Au final, un album éclaté (passant de la ballade au pathos dérangeant au tube dance indigeste) qui n'est ni éclectique et intéressant ni commercial et efficace : Juste raté.

« J’te dirais, quand il n’y a plus d’espoir/ Tout peut encore arriver/ J’te dirais, il y a une place pour toi/ Même quand tout est sombre/C’est souvent quand on n’attend rien du temps/Que tournent les vents/ Je veux t’entendre dire/ Parce qu’un jour je trouverai ma chance/ Je veux t’entendre dire/ Plus qu’un signe, mieux qu’une évidence/ Je veux t’entendre dire/ Et rien n’est jamais perdu/ Rien n’est jamais joué d’avance/ Je veux t’entendre dire/ Que si on avait tort, on aurait osé défier le sort/ Je ne veux pas d’une vie de remords/ Je veux rêver haut mais fort » Ma chance – Instinct – Amel Bent

Et pourtant que j'aurai voulu l'aimer cet album ! Quelle frustration quand on entend dans certains morceaux (un peu meilleurs que d'autres) cette voix, c'est voix si belle qui se brise quand elle monte dans les hauteurs ! On réussit enfin à avoir un peu de frissons, que cela soit dans Tout (et son ambiance lumineuse) ou dans Les temps qui courent (faisant très «chanson française à l'ancienne)! On se dit « quelles grandes chansons on pourrait écrire pour un tel timbre ! ». Que cette chanteuse parvienne à nous donner de l'émotion même avec des textes aussi pauvre n'est tout de même pas un hasard ! Elle ne commet aucune erreur, même sous la montagne de pathos provoquée par des arrangements grandiloquent Amel Bent fait preuve d'harmonie, de finesse et surtout d'une profonde générosité.

Difficile au final de ne pas regretter un tel gâchis, de ne pas se mettre en colère face à un album aussi plat et face a des parti-pris aussi criminels. Instinct est au final assez représentatif d'une industrie qui ne prend plus suffisamment de risque et qui cherche avant tout a satisfaire un plus grand nombre pour rapporter de l'argent (bien qu'il faut reconnaître que la chanteuse n'est pas innocente dans cette histoire). Quel avenir pour Amel Bent ? Va-t-elle continuer sa carrière en tentant de se faire une place entre une Shy'm consensuelle et une Tal qui semble bien partie pour rafler la mise ? À se faire passer pour l'éternelle Mariah Carey du pauvre ? Elle mérite mieux que ça...

Chamau

3/10


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